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Moitié gauche: un rond blanc sur une texture bleue. Moitié droite: l’affiche du film. Le rugbyman rentre de face sur le terrain en tenant 2 enfants par les mains

La santé sexuelle

 

Article pour le CTEB de François Crochon, sexologue et directeur du CeRHes

Le sexe a souvent été observé par la lucarne du vice et comparé à un fruit défendu, certes sucré et appétissant mais nous détournant de notre vrai bonheur. Puis il a récemment connu de nouvelles heures de glorification avec l’expansion des nouvelles technologies et de l’internet. La sexualisation des choses et la pornographie souvent vénales ont donné à la sexualité et à nos esprits un penchant pour la compétition, la comparaison et l’addiction. Depuis quelques années, des mutations opèrent à nouveau. La sexualité se voit enfin remise au centre d’un concept vieux comme le monde : la santé ! Le concept de « santé sexuelle » projette enfin et peu à peu la sexualité dans une ère où plaisir, expérience, consentement et déculpabilisation rimeraient avec hygiène de vie. François Crochon pose dans cet article le lexique et les constats de notre temps.

 

Portrait de François Crochon

François Crochon est sexologue clinicien, psychothérapeute formé à la thérapie familiale systémique, psychomotricien D.E., détenteur d’une AEU Basse Vision. Mais il est également formateur et directeur du CeRHeS France (Centre Ressources Handicaps et Sexualités), une association qui œuvre pour la promotion de la santé sexuelle des personnes en situation de handicap. Toutes les ressources, guides, articles et formation du CeRhés sur leur site internet :

https://cerhes.org/

« Il est des rencontres singulières.

À l’occasion du festival tHe place to BE, L’illusion de l’(a)normalité, j’ai eu l’occasion d’interviewer Jean-Pierre Brouillaud, écrivain-voyageur aveugle et Nicolas Linder, handi-routard présentant à la fois une Basse Vision et un spina bifida[1]. Au-delà des discours convenus, leurs témoignages s’extirpent du pathos habituel pour nous faire partager leurs manières subtiles d’être au monde et Nicolas Linder évoque en particulier un concept qui lui est cher : le révalisme[2] , à la croisée du rêve et du réalisme. Quelle belle définition de la sexualité…

 

En tant que sexologue clinicien , je rencontre assez fréquemment des personnes aveugles ou déficientes visuelles (ainsi que des professionnels travaillant à leurs côtés) autour de problématiques liées à la santé sexuelle.

Au-delà d’une acception froidement médicale que ce terme pourrait inspirer de prime abord, le concept de santé sexuelle renvoie, dans une approche intégrative, à la notion « d’équilibre physique, émotionnel, mental et sociétal relié à la sexualité » qui ne saurait pas se réduire « à l’absence de maladies, de dysfonctions ou d’infirmité » (OMS 2002). Ainsi, la santé sexuelle est à considérer au même titre que la santé globale, comme une ressource au service des individus pour parvenir à une état d’épanouissement et de bien-être dans leur existence [Charte d’Ottawa 1986].

Les droits sexuels qui en découlent, doivent être promus et mis à disposition de toutes personnes dites valides ou dites en situation de handicap qui rencontreraient des obstacles supplémentaires du fait d’une déficience visuelle, par exemple :

 

  • le droit de jouir du meilleur état de santé sexuelle possible grâce notamment à l’accès à des services médicaux spécialisés en matière de santé sexuelle et de reproduction.
  • le droit de demander, d’obtenir et de transmettre des informations ayant trait à la sexualité.
  • le droit à une éducation sexuelle.
  • le droit au respect de son intégrité physique.
  • le droit au choix de son partenaire.
  • le droit de décider d’avoir une vie sexuelle active ou non.
  • le droit à des relations sexuelles et à un mariage sans coercition.
  • le droit de décider d’avoir ou de ne pas avoir des enfants, au moment de son choix.
  • le droit d’avoir une vie sexuelle satisfaisante, agréable et sans risque.

 

Afin de permettre à tous et toutes d’accéder à ces droits sexuels, il s’agit de garantir l’accessibilité aux ressources et aux dispositifs en santé sexuelle. Pour y parvenir, nous évoquerons rapidement 2 points essentiels sur lesquels nous pouvons agir collectivement :

  1. Agir sur les représentations péjoratives de l’entourage et des professionnels de l’accompagnement et du soin.
  2. Faciliter l’accès à la littéracie (déf : « aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ») en santé sexuelle.

 

1. Agir sur les représentations péjoratives de l’entourage et des professionnels de l’accompagnement et du soin.

 On n’est pas handicapé, on est en situation de handicap, lorsque l’on rencontre, dans son environnement, des obstacles ou des freins à la réalisation de ses choix de vie.

Manifestation et pancarte: "on ne mérite pas de vivre dans un placard"

Et bien avant l’aménagement de l’espace ou de l’ergonomie, ce sont les préjugés limitants de l’entourage et/ou des professionnels de l’accompagnement et du soin qui vulnérabilisent et surhandicapent les personnes avec des besoins spécifiques. Des représentations délétères autour de la vie intime, affective et sexuelle des personnes en situation de handicap visuel restent encore beaucoup trop prégnantes en ce début de XXIème siècle :

  • immaturité,
  • incapacité / vulnérabilité de fait,
  • débordement pulsionnel,
  • infantilisation,
  • tendance à n’envisager la sexualité qu’à travers le spectre des problèmes,
  • risques ou danger,
  • tentative de normalisation autour de standards validistes.

Toutes ces contre-attitudes témoignent d’une méconnaissance et d’une attitude réductrice visant à catégoriser un ensemble d’individus via une approche défectologique.

 

2. À la fois semblable et singulier.

Des fruits forment les lèvres d'un vagin.Bien évidemment, il n’existe pas UNE sexualité de la personne en situation de handicap visuel.

Tout comme chaque être est unique en son genre, le handicap d’une personne n’est finalement dans sa sexualité que l’expression d’une facette supplémentaire de son individualité.

Dans le cabinet du sexologue, ce sont à la fois des problématiques communes à tous et toutes, mais aussi parfois certaines singulières que peuvent exprimer des hommes, des femmes ou des couples concernés par la déficience visuelle.

Que le handicap visuel soit congénital, évolutif ou acquis, sont alors fréquemment évoquées des préoccupation liées à l’estime de soi, à l’expression de son désir et à la rencontre de l’autre, qui sont souvent la conséquence d’une éducation et/ou d’une information à la sexualité qui a fait défaut.

Que ce soit dans le cadre du colloque singulier ou de groupes d’expression autour de la vie affective et sexuelle, nous observons alors le besoin, enfin exprimé par les personnes, de mieux comprendre les enjeux de la sexualité, de trouver des interlocuteurs-trices pertinent-es, et d’avoir accès à des ressources adaptées en santé sexuelle.

-Il s’agit alors de soutenir l’accès à la littératie en santé sexuelle.

Selon la définition de Sørensen[3] : « La littératie en santé implique les connaissances, la motivation et les compétences des personnes pour accéder, comprendre, évaluer et appliquer l’information sur la santé afin de porter des jugements, de prendre des décisions dans la vie quotidienne concernant les soins de santé, la prévention et la promotion de la santé pour maintenir ou améliorer la qualité de vie tout au long de la vie.

Rendre accessible ces informations au plus grand nombre est bien entendu essentiel et le Centre de Transcription et d’Édition en Braille y participe activement avec ce dossier thématique[4] .

Engageons-nous donc ensemble dans cette démarche visant à intégrer la sexualité comme vecteur incontournable de santé et à renforcer l’empowerment des personnes en situation de handicap visuel.

Car libérer la parole, c’est libérer la pensée… »

Crédits photos: Michaël Prenett / Norbu Gyachung / Dainis Graveris.

 

Notes de bas de page :

[1]  Soirée du 16 avril 2021 – Voyages et illusions – YouTube

 

[2] CONFERENCE – NICOLAS LINDER – Des aventures médicales, aux grandes aventures ! -YouTube

 

[3] Sørensen K, Van den Brouckje S; Fullam J et al. Health literacy and public health : A systematic review and integration of definitions and models. BMC Public Health. 2012;12;80. doi:10.1186/1471-2458-12-30, D’après la présentation de Sandrine HANNECART, Chargé de projets et d’ingénierie en promotion de la santé, IREPS Nouvelle-Aquitaine, Antenne de la Gironde, s.hannecart@irepsna.org, lors de la Plénière CoActis Santé, le 23 mars :  Littératie en santé : quels enjeux, quelles solutions ?

 

[4] Voir également Ma sexualité pour comprendre, 4 court-métrages d’animation en audio description de Santé Publique France conçue en collaboration avec le CeRHeS®, le Planning Familial et Médecins du Monde, en téléchargement libre : 4 vidéos accessibles à tous pour aborder la sexualité – Centre Ressources Handicaps et Sexualités® (CeRHeS® France)

 

 

 

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