Crédit photo : Amit Talwar
Interview du romancier Gérard Muller
– Du piment dans le foie gras –
Patrimoine, cuisine de terroir, traditions, territoires naturels exceptionnels,… les régions de France sont le creuset de nos identités et de nos connaissances. Par effet miroir, la ruralité est aussi le lieu où la modernité et le changement s’expérimentent avec le plus de résistance.
Une richesse et un laboratoire que Gerard Muller prend pour décor en situant son intrigue policière dans le Gers. Tueur et maréchaussée naviguent dans le petit monde du foie Gras alors que l’écologiste, le gourou, le politique, l’éleveur, le stagiaire, le gourmet et tous les autres personnages recomposent la fourmilière qui vient d’être dérangée. Romancier, novelliste, poète, Gerard Muller vous fait découvrir un bout d’Occitanie. À notre tour, nous vous faisons découvrir ces auteurs locaux dont il fait partie, qui sont en lien avec notre espace et notre identité, mais qui jamais ne renforcent les frontières. Bien au contraire, par l’éclectisme de leur littérature et leur talent ils invitent au partage et au mélange des genres.
Bonjour Gérard !
- Retraité de l’industrie aérospatiale toulousaine, vous consacrez votre temps libre à votre « nouvelle passion » : l’écriture. Quelle était sa place dans votre vie avant votre retraite ? D’où vous vient cette passion ?
En fait, en tant que grand lecteur, j’ai toujours désiré écrire. Lorsque je travaillais, je n’en avais ni le temps ni la disponibilité d’esprit. Aussi, écrivais-je des petites saynètes (en prose ou en vers) pour mes amis à l’occasion de fêtes, sketches qui avaient un certain succès, d’où l’idée d’aller plus loin pendant ma retraite, ayant compris que je possédais un certain don.
- Nouvelles, poésies, romans, déjà 40 livres publiés …vous accompagnez même dans des ateliers littéraires des auteurs en devenir. Comment avez-vous fait votre apprentissage d’écrivain ? Par quelles phases êtes-vous passé pour y arriver ?
Lorsque je suis parti en retraite, j’ai eu l’opportunité de prendre un coach en écriture, coach qui m’a appris les bases techniques de la narration et qui m’a accompagné tout au long de mon premier roman. Car, contrairement à ce que l’on pense en France, l’écriture s’apprend (ce que savent les Anglosaxons avec le « creative writing »).
En parallèle, j’ai écrit aussi de la poésie (pour moi, la poésie est le laboratoire de la langue) et des nouvelles, et c’est là que j’ai eu mes premiers prix littéraires.
Fort de cette expérience, je me suis lancé dans l’écriture de romans de fiction et de polars avec une certaine frénésie puisque j’en suis à plus de 40 en 8 ans.
À partir d’un certain moment, j’ai ressenti le besoin de faire partager mon expérience, de coacher de nouveaux auteurs, et ce jusqu’à l’édition de leur premier roman (aujourd’hui plus de 20 ont été publiés). Je dois dire que c’est un plaisir de chaque jour, car l’expérience est très valorisante en même temps qu’elle m’apprend beaucoup. La principale difficulté d’un auteur est de s’autocorriger, aussi, par ce biais, je suis capable de critiquer très vite un texte, qu’il soit de moi ou d’un autre.
- Comment définiriez-vous votre style d’écriture Gérard ? A-t-il évolué ?
Mon style d’écriture est classique, légèrement ironique (ou teinté d’autodérision) et très orienté vers la narration. Mon style n’a guère évolué (en fait, c’est très difficile de le faire), mais sa qualité littéraire a progressé. Plus d’images, plus de métaphores et moins d’adjectifs ; moins de verbes « fourretout » et des phrases plus élaborées. Des champs syntaxiques et sémantiques plus riches et une meilleure ponctuation (ce qui est fondamental).
- Comme pour le scénario de « Du piment dans le foie gras », comment fait un auteur pour rendre compte de milieux aussi spécifiques et parfois fermés que peuvent être la gendarmerie de province ou l’industrie du foie gras ?
J’aime beaucoup le polar, car il donne l’occasion de faire découvrir au lecteur un métier, un environnement, une activité, des acteurs sur le terrain et en situation. (Contrairement au roman de fiction qui cherche plus à sonder la psychologie des personnages).
Appréciant le foie gras, j’avais déjà un petit background avant de commencer, mais je me suis aussi renseigné sur Internet et j’ai contacté un producteur pour connaître l’ensemble du processus de sa fabrication que je détaille dans le livre.
Pour ce qui est de la gendarmerie, j’ai la chance d’avoir parmi mes élèves un policier qui m’a aussi coaché sur le sujet, en m’évitant les erreurs de procédure. Au-delà, je pense qu’un écrivain ne peut écrire que sur ce qu’il connaît un peu.
- Le décor de votre intrigue policière est le Gers. Pourquoi vouloir faire découvrir cette région ?
Habitant Toulouse, j’apprécie particulièrement le Gers où, comme le dit le film, « Le bonheur est dans le pré » ! Comme je souhaitais parler du foie gras, la région était toute trouvée.
En fait, j’ai entamé une série de polars sur la gastronomie, sujet qui marche assez bien. J’ai commencé par la fondue savoyarde (« La fondue avait un drôle de goût »), puis ai exploré le foie gras et le vin (« Du vinaigre rouge dans le grenache noir »). Je suis en train d’écrire sur les huîtres (« Ascenseur pour une huître » qui devrait sortir cet été).
Auparavant, j’avais fait une série sur la montagne, une autre sur le golf, et sur Toulouse (« Même les mémés aiment la castagne » ; « Cockpit » et « Si tu cognes tu gagnes).
- Vous êtes plutôt ville ou campagne ?
Plutôt campagne, ayant passé mon enfance en Savoie, à côté d’une ferme. De plus, j’ai fait beaucoup de randonnées et ai beaucoup voyagé (notamment dans le désert et les parcs naturels). Généralement, après chaque voyage, je sors un livre qui se déroule dans le pays visité, et ai parcouru tous les continents.
- Plutôt flic ou voyou ?
Ni l’un ni l’autre. Avant tout un voyageur et plus un témoin de la nature humaine qu’un acteur militant.
- Quel a été l’angle choisi, le parti-pris, pour raconter cette histoire criminelle qui se déroule dans le milieu du foie gras, c’est-à-dire dans le secteur agroalimentaire animal alors même que ses pratiques et la consommation en général sont décriées, voire rejetées par une partie de la population ?
Ma démarche n’a pas été guidée par une quelconque approche partisane. Comme je l’ai dit, j’ai commencé une série de polars gastronomiques et le foie gras est venu tout naturellement, car je l’apprécie particulièrement. En outre, le gavage des oies et des canards est une pratique qui date des Égyptiens, car ces volatiles se gavent naturellement avant d’entamer leur migration. C’est donc une tradition qui date de plus de trois mille ans, mais je comprends parfaitement qu’elle puisse choquer une partie de la population. Je n’ai donc pas voulu prendre parti en tant que narrateur, laissant à chacun de mes personnages leur liberté d’expression.
- La tendance sociétale est à la protection des animaux, au végétarisme, végétalisme, au véganisme, mais aussi à une consommation raisonnée, de proximité et de terroir. Toutes ces notions sont abordées dans votre roman. Comment vous situez-vous par rapport à cela ?
Encore une fois, je ne désire pas prendre parti en tant que narrateur. Un auteur doit laisser ses personnages s’exprimer et c’est au lecteur de se faire une idée à travers les dialogues et la narration. Toute la richesse d’un roman est là : faire en sorte que le lecteur « vive » l’action et se forge une opinion à travers les différentes appréciations exprimées par les différents personnages.
Au-delà, je ne suis pas un écologiste militant, mais plutôt raisonné, même si mon côté « boomer » subsiste encore un peu trop.
Merci beaucoup Gérard pour votre participation !
Denis Guérin.
Le livre en braille ici :
https://www.cteb.fr/librairie/nouveautes/du-piment-dans-le-foie-gras/
Prix: 10€. Grâce à l’aide de la DRAC, ce livre est au prix librairie et met l’accent sur les auteurs et les talents de la Région Occitanie !
Résumé du livre : Le Gers. La douceur de ses paysages et la délicatesse de sa gastronomie. En particulier, son foie gras. Un éleveur de canards est retrouvé mort dans son atelier. Il a été assassiné en ayant été gavé avec du maïs. C’est la brigade de gendarmerie de L’Isle-Jourdain qui est en charge de l’enquête. Celle-ci s’avérera plus compliquée que prévu, et le meurtrier ne sera identifié que grâce à un lieutenant fin gourmet. Il aura besoin de toute sa connaissance de la cuisine locale pour résoudre l’intrigue et appréhender le tueur. Ce roman permettra en outre au lecteur de voyager dans ce département du Gers et de découvrir le petit monde des éleveurs-producteurs de foie gras.