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Moitié gauche: un rond blanc sur une texture bleue. Moitié droite: l’affiche du film. Le rugbyman rentre de face sur le terrain en tenant 2 enfants par les mains

Interview de Jonathan Werber pour son premier roman :

« Là où les esprits ne dorment jamais »

 – récemment adapté en braille pour vous ! –

Il a 26 ans, il vit le succès littéraire de son père Bernard Werber depuis de nombreuses années et l’accompagne désormais avec brio sur les têtes de gondole des bibliothèques. Son premier roman, « Là où les esprits ne dorment jamais », les marque pourtant … ces esprits ! Et le livre fait parler de lui. Alors on a eu envie de rencontrer Jonathan et de lui poser nos petites questions-miroir pour, comme d’habitude, mieux connaitre l’homme qui se cache derrière l’œuvre et vous faire découvrir l’univers singulier de ce livre et la personnalité d’un romancier en devenir. Avec bienveillance et disponibilité, il répond à notre curiosité et réagit à l’adaptation en braille par le CTEB de son premier …

Bonjour Jonathan.

 

  1. A 10 ans, vous vouliez faire quoi plus tard ?
    Je n’ai jamais eu d’idée très précise de ce que je voulais faire plus tard étant jeune, ma seule préoccupation était de faire un travail où on ne me dirait pas quoi faire. Je me rappelle que j’étais très frustré de ne pas pouvoir faire comme bon me semble et j’attendais avec impatience l’âge adulte pour pouvoir être libre.

 

  1. L’intrigue de « Là où les esprits ne dorment jamais » prend vie dans les états Unis d’Amérique à la fin du 19ieme siècle et puise dans l’histoire vraie des 3 sœurs Fox et du mouvement du spiritisme. Brièvement, qui furent-elles et pourquoi avoir choisi ce décorum pour votre premier roman ?

couverture livre La-ou-les-esprits-ne-dorment-jamaisLes sœurs Fox sont les femmes qui ont amené le spiritisme en Amérique. Elles sont parvenues à s’imposer par la démonstration de la présence d’esprits frappeurs qui ne répondaient qu’à leur présence sans que personne de l’époque ne puisse réellement expliquer comment.
A partir de cela, elles ont créé un mouvement spirite dont on observe encore la présence aujourd’hui. Les tables tournantes et les salons de médium, ce sont elles !
La fin du 19ème siècle s’est imposé à moi dès le moment où j’ai choisi de parler de ces femmes. Quel meilleur endroit pour parler de leurs vies que la fin de ces dernières ?
De plus l’époque est marqué par l’avènement du nouveau monde, où la technologie devient si complexe qu’il est difficile de la différencier du surnaturel, le terreau parfait pour explorer le concept de croyance et de réalité, thèmes qui me sont chers.

 

  1. « Tout le secret de l’illusionnisme tient à un tour de passe-passe : capturer l’attention des spectateurs. Une fois celle-ci acquise, il est du devoir du magicien de l’emmener là où il le désire en distrayant le public de ses manipulations. Il ne doit libérer l’attention qu’une fois le spectateur dépassé par l’illusion, persuadé d’avoir assisté à l’œuvre d’une force qui le dépasse. C’est ça la magie ! » Lors de son écriture, avez-vous conçu votre livre comme un tour de passe-passe ?

Je ne veux pas trop en dévoiler sur le livre pour mes lecteurs à venir. Néanmoins, je place beaucoup de détails qui peuvent avoir l’air insignifiant mais qui prennent tout leur sens plus tard. En ce sens, on peut parler de tour de passe-passe, mais contrairement aux magiciens, j’ai vraiment essayé de donner une double lecture qui donne un tout autre roman au deuxième passage (là où les magiciens évitent de faire généralement deux fois le même tour de peur que l’on voit leur manipulation). Ce sera aux lecteurs de me dire si mon illusion est réussie.

 

  1. D’un point de vue un peu philosophique et métaphorique, la société n’est-elle pas aussi de plus en plus un tour de passe-passe suivant cette définition ? Elle capte et mobilise notre sens visuel sans cesse et développe ainsi le soin donné aux apparences visuelles extérieures (l’industrie de l’image, la décoration, les vêtements, le packaging). Ne sommes-nous pas alors détournés des autres ressentis (le toucher, l’olfactif, l’intuition) ? Est-ce un risque ? Une évolution normale ? Qu’en pensez-vous ?
    Je pense que l’arrivée de la télévision et internet ont bouleversé beaucoup de choses dans notre manière d’intégrer les informations ainsi que la manière dont on conçoit le monde extérieur. Notre consommation excessive de tout fait que nous sommes devenus beaucoup plus impulsifs dûs à l’impression que nos actions ont moins de conséquences. Dès lors, c’est devenu un vrai paradis pour le monde de la publicité qui cherche avant tout à toucher notre inconscient : on ne se rappelle pas de la pub de dentifrice de marque X que l’on a vu passer entre une pub de jus d’orange et de voiture, mais au supermarché, quand on est devant tous les dentifrices, on prend celui de marque X sans trop savoir pourquoi. Après tout ce n’est qu’un dentifrice. C’est l’inconscient qui a parlé et a pris le pas sur un conscient peu impliqué dans ce choix.
    Je ne dirais néanmoins pas que c’est cela qui nous écarte de nos autres sens. Ce qui nous en écarte avant tout, c’est le fait qu’on ne les utilise pas au quotidien. Les sens sont comme un muscle, et aujourd’hui peu d’activité professionnelle récompense des sens aiguisés (la vue a quand même une place privilégiée rien que par la publicité et le packaging qui ont une place énorme dans la société, mais cela reste un secteur minoritaire dans le milieu professionnel général où la science, l’informatique et la finance dominent énormément aujourd’hui).
    Ce que l’on travaille énormément et avant tout c’est la logique, du au développement massif des métiers de l’informatique. En tant que raconteur d’histoire, cela oblige à beaucoup réfléchir à la logistique de ces histoires afin d’être sûr d’éviter toute incohérence. Personnellement, j’aime ce défi.
    Je finirais en disant que je ne pense pas qu’il y ait d’évolution « normale » de la société. En observant celle du XIXème siècle, j’étais surpris du nombre de points communs qu’il y avait avec notre société moderne.
    Seuls les outils changent, les humains restent toujours les mêmes, la technologie permet juste de mieux répondre à nos désirs, vices et envies.

 

  1. Toujours dans la volonté de faire découvrir à nos lecteurs les métiers du livre et l’envers du décor des ouvrages qu’ils lisent : combien de temps pour écrire ce 1er roman depuis l’envie, en passant par l’idée, l’écriture et jusqu’à le tenir, édité et imprimé, dans ses mains ? Quelle étape dans ce long processus vous a demander le plus de courage, le plus d’effort sur soi ?

J’ai mis trois ans pour écrire Là où les esprits ne dorment jamais, j’ai commencé en août 2017 et il est sorti en septembre 2020.
J’avais eu l’idée de parler des sœurs Fox depuis 2016 mais je n’osais me lancer dans l’écriture d’un roman. C’est une amie qui m’a convaincu que je ne me sentirais jamais prêt et qu’il y a un moment où il faut se jeter à l’eau.
J’ai eu la chance de rencontrer très tôt un éditeur intéressé par mon idée (Thierry Billard, que je salue) puis je me suis mis au travail.
J’ai écrit 250 pages d’une 1ère version qui ne fonctionnait pas, ça m’a pris un an. Puis j’ai repris à zéro, changé le concept (la 1ère version était une biographie romancée des sœurs Fox) et avec les corrections ça a pris un peu plus de deux ans avant de tenir le livre en main.
Le plus d’effort sur moi a sûrement été de m’apercevoir que la 1ère version ne tenait pas debout et « d’abandonner » un an de travail.
Mais je me suis toujours dit que j’écrivais pour mes lecteurs et que je ne voulais pas leur donner un livre pas à la hauteur. Je suis content d’avoir fait cet effort nécessaire.

 

  1. (Question d’une lectrice et adaptatrice du CTEB). Quelle émotion prédomine pendant la sortie de son 1er livre : la fierté, le stress, la pression (d’être comparé directement à son père), la joie, l’impatience de connaitre l’avis des lecteurs ? Bref, comment vous êtes-vous senti quand vous avez tenu votre livre entre vos mains ?
    Je suis sorti en pleine crise du Covid et donc n’ai pas encore eu la chance d’avoir beaucoup de contacts avec mes lecteurs. J’espère que cela changera à l’avenir. J’écris avant tout pour eux.
    Je suis très fier de ce livre et heureux qu’il ait plu plus que je ne pouvais l’imaginer. J’ai vraiment été surpris de voir comment le public s’est approprié les personnages. Ils m’ont donné une nouvelle lecture et compréhension des thèmes que j’abordais, ce fut très enrichissant. Je crois que c’est ce que l’on surnomme « la mort de l’auteur »
    Je n’ai pas trop subi de pression par mon héritage, parce que je sais que ce roman est le mien. Il a une identité propre très reconnaissable des ouvrages de mon père et je trouve que c’est mieux ainsi.
    Tenir le livre en main a été un très beau moment pour moi, c’était comme un accouchement, mon travail prenait enfin une forme tangible accessible et visible au monde. J’ai hâte de voir le chemin que ce roman va prendre dans le futur, mais son adaptation en braille me comble de joie.

 

  1. Votre père Bernard Werber est également écrivain à succès : ce fut un frein ou un moteur ? ou les deux ?

Étant jeune, j’ai fait un peu d’Œdipe et bien que j’aimais l’écriture, je ne voulais pas aller vers le roman parce que j’avais l’impression que mon père y occupait déjà le terrain et je voulais me frayer mon propre chemin. C’est ce qui m’a poussé vers le scénario dans mes études. Néanmoins quand j’ai réalisé que le roman offrait une liberté infinie comparée au cinéma, j’y suis revenu avec plaisir.
À ce moment-là, les nombreuses années d’expérience de mon père m’ont aidées à prendre des raccourcis d’apprentissage et à trouver une régularité dans le travail. Donc à la fois un frein et un moteur, je dirais.

 

  1. Là, maintenant, pour vous… la magie dans la vie, c’est quoi ?

La magie, c’est avant tout l’émerveillement. C’est ne rien prendre pour acquis et savoir s’extasier de tout ce que nous offre le quotidien. Quand il y a un peu de soleil par exemple, mon chat aime se poser près de la fenêtre, c’est un félin blanc tigré de noir. Juste avant le crépuscule, la lumière lui donne une robe aux reflets orangés qui m’offre toujours un moment de fascination… magique.

 

  1. Votre style d’écriture en 3 mots ?

Cinématographique stimulant l’imagination.

 

  1. Jonathan Werber, après la mort, il y a quoi ?

Question difficile dont je ne prétends pas avoir la réponse. J’aime à penser qu’il y a quelque chose qui nous apporte une paix que le monde semble désespérément chercher de son vivant mais qui semble toujours inaccessible.

 

  1. La curiosité : elle prend quelle(s) forme(s) chez vous ? Quelle curiosité vous ne recommandez pas ?
    Je suis curieux d’absolument tout. Je m’extasie devant n’importe quel fait scientifique ou historique comme je le ferais devant mon chat caressé par une belle lumière. J’aime essayer de comprendre le monde et chaque information qui m’aide à faire ça me plaît. J’ai d’ailleurs souvent envie de partager cette curiosité et les romans sont pour moi des moyens d’exprimer mes réflexions sur le monde au travers de belles histoires.
    Il n’y a pas de curiosité que je ne recommanderais pas, si ce n’est celle de l’hyperactivité enfantine. Selon moi, il faut que la curiosité soit motivée par le désir de réponse et non par la simple envie de poser la question pour attirer l’attention.

 

  1. Écrivain, c’est devenu votre métier ? Et si vous deveniez célèbre ?
    Pour le moment oui, je suis encore trop lent à mon goût dans l’écriture (je pense que mon suivant arrivera en 2022, mais à termes, j’aimerais en faire un par an). La célébrité dans l’écriture est relativement modeste même pour ceux qui réussissent extrêmement bien et je trouve que c’est bien comme ça. J’écris pour être lu pas reconnu (même si j’adore que quelqu’un vienne me voir en disant qu’il a apprécié le livre, évidemment).

 

  1. Un mot pour vos lecteurs privés de la vue et qui découvriront votre livre par le braille et par la pulpe de leurs doigts ?J’aimerais vous remercier de me laisser un peu de votre temps et attention. C’est une denrée rare aujourd’hui et je vous promets de l’utiliser à bon escient. J’ai mis trois ans pour confectionner ce voyage temporel qui, je l’espère, saura vous transporter dans mon monde le temps de quelques centaines de pages.

Merci à vous Jonathan pour ce moment d’échange, on vous souhaite plein de succès et à bientôt pour de nouvelles aventures littéraires !

En savoir plus sur Jonathan Werber :

 – Son compte Facebook: @Jonathan Werber

https://www.facebook.com/profile.php?id=100063466421719

– Article très intéressant de mars 2020 sur son père Bernard Werber :

https://www.lamontagne.fr/vichy-03200/loisirs/bernard-werber-je-suis-en-train-de-reflechir-a-mon-prochain-roman-et-je-vais-trouver-lidee-dans-le-train-pour-vichy_13757088/

– Retrouvez tous les livres déjà adaptés en braille (9 livres) des écrivains Werber père et fils ici :

https://www.cteb.fr/categorie-livres-en-braille/catalogue/?public=&theme=&keywords=&auteur=werber&titre=&nb-volumes=0

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