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Moitié gauche: un rond blanc sur une texture bleue. Moitié droite: l’affiche du film. Le rugbyman rentre de face sur le terrain en tenant 2 enfants par les mains

Braille, audio, DYS, LSF : « Zébulon », un roman cross-média lisible par tous !

Interview de Julien Laigre : la volonté d’un auteur

 

« Zébulon prince d’Atlantis » : attention, roman hautement accessible ! On parle souvent d’accès aux livres, d’inclusion ou d’édition adaptée par le biais des éditeurs, des librairies ou des acteurs associatifs comme le Centre de Transcription et d’Édition En Braille. Ici -et c’est suffisamment rare pour le souligner- c’est l’écrivain lui-même qui pense son œuvre pour être lue par tous et cela dès sa création !

Décliné et pensé dès sa conception pour différents supports de diffusion, « Zébulon, prince d’Atlantis » fait partie de ces romans appelés « cross-media ». Un livre jeunesse qui prend en compte les difficultés de lecture des différents handicaps, qui ne laisse personne sur le carreau et qui montre un exemple concret et natif de l’accès à la culture pour tous !

Pari osé et pari réussi pour Julien Laigre, auteur atteint de surdité, qui par sa volonté et ses multiples talents a rendu son roman accessible au plus grand nombre. Sensible à cette initiative et porté par cette envie commune, le Cteb a naturellement accepté de prendre part à ce projet en adaptant son livre en braille.

À tous les grands et p’tits mousses qui nous lisent, plongeons ensemble dans l’univers de Julien Laigre et de ce projet pluridisciplinaire …

Bonjour Julien !

1. Éditions audio, numérique, papier, en gros caractères, adapté aux dyslexiques, en LSF (Langues des signes françaises), et enfin en braille, voilà un roman jeunesse qui détonne dans le paysage culturel et qui a dû demander un travail considérable en termes dadaptation, quelles ont été les principales étapes de votre réflexion jusqu’à la concrétisation du projet ?

– En effet, ce fut un travail considérable, 4 années ont été nécessaires pour concrétiser ce projet. Un parcours, en effet, semé d’embûches très diverses qu’il m’a fallu surmonter avec le sourire. J’ai du faire preuve d’esprit critique et rechercher en toute objectivité les forces et, surtout, les faiblesses de ce projet d’accessibilité. À tout moment, il m’a fallu rester vigilant pour ne pas me laisser emporter par mon idée, ne pas me voiler la face et occulter les écueils qui risquent de jalonner mon parcours. Pour cela, échanger avec des hommes, des femmes, des adolescents et des enfants en situation de handicap , être à l’écoute de leurs critiques et de leurs conseils ont été indispensable pour pouvoir recenser les besoins réels de ce public spécifique, aussi bien ceux auxquels une réponse est aujourd’hui apportée par le marché du livre que ceux qui ne sont actuellement pas satisfaits. Il m’a fallu donc répondre à ces questions : Qui est ce public ? Quels sont ses besoins ?  Quels sont les supports à privilégier ? Le plus important a été de définir quels sont les besoins exprimés auxquels le marché ne répond pas aujourd’hui ou ne répond que partiellement. Pour effectuer cette recherche, une approche directe m’a semblé préférable (par rencontre, par enquête…). J’ai dû être vigilant pour interpréter les réponses afin de définir les grandes étapes de ce projet et d’élaborer un plan d’action. Rendre un livre accessible ne s’improvise pas, mais se prépare soigneusement. Derrière toute cette charge de travail, ce fut surtout de belles rencontres, de belles expériences et des souvenirs gravés à jamais.

 

2. Comme vous, dans une volonté dinclusion des différents handicaps, le Cteb a récemment fait un partenariat avec Blynd, jeune société qui souhaite faire découvrir aux personnes empêchées de lire la bande dessinée audio. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à adopter cette démarche daccessibilité, je dirais même dinclusion ?

– À la base de toute création, il y a une idée. La concrétisation de cette idée est étroitement liée à ma motivation de rendre l’art accessible. L’idée a de nombreuses origines : elle est née de mon expérience personnelle et professionnelle ou encore de simples circonstances m’ayant offert l’opportunité de me lancer.

D’un point de vue personnel, je suis moi-même en situation de handicap par ma surdité. Je vis donc quotidiennement dans un monde où l’accessibilité laisse à désirer. Bien que les choses évoluent, lentement mais surement, l’accessibilité est trop souvent incomplète. Un lieu accessible pour tel public mais pas l’autre, une œuvre accessible pour tel public mais pas l’autre etc… cette prise de conscience a été un déclic : Pourquoi me limiter à l’accessibilité auprès des personnes sourdes ou malentendantes ?  L’accessibilité ne se limite pas à un handicap car l’accès à la culture littéraire ne doit pas être limitée à un groupe d’individus mais elle doit l’être au plus grand nombre car… l’accès à l’art est un droit de tous !

D’un point de vue professionnel, j’ai été amené à travailler auprès d’élèves en situation de handicap. J’ai donc découvert quels étaient leurs difficultés par rapport à leur handicap. J’ai également découvert un environnement où on manque cruellement de support pédagogique adapté et je suis convaincu que ce roman peut participer au développement d’une école inclusive. En effet c’est un support qui a le pouvoir de compléter, d’enrichir et de transformer positivement l’éducation.

 

3. Que faudrait-il améliorer selon vous pour que les produits culturels soient encore plus accessibles ?

– Ce roman cross-média, en plus de rendre l’accès à la lecture pour les publics spécifiques, sensibilise le grand public et lui permet d’avoir un regard différent sur le handicap et la diversité. Je pense que sensibiliser le grand public et le monde de l’édition est une étape clé. Bon nombre de romans sont traduits dans diverses langues étrangères, il suffirait juste de changer son regard sur le handicap, et se dire finalement qu’adapter en roman en langue des signes françaises revient simplement à le traduire dans une autre langue. De montrer que c’est possible ! Bien sur tout cela a un coût, il faudrait donc un appui venant de l’Etat. Que Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées collabore avec le ministère de la culture afin de soutenir cette démarche. J’ai eu l’audace de copier l’article 30 de l’ONU au tout début du roman. Un texte qu’il est bon de connaitre et/ou de rappeler, faisons nous plaisir, lisons le:

ARTICLE 30 DE LA CONVENTION DE L’ONU / Participation à la vie culturelle : « Les États Parties reconnaissent le droit des personnes en situation de handicap de participer à la vie culturelle, sur la base de l’égalité avec les autres, et prennent toutes mesures appropriées pour faire en sorte qu’elles aient accès aux produits culturels dans des formats accessibles. »

 

4. Pour l’édition en braille, nous avons fait un travail quasi-artisanal en insérant et en collant manuellement chaque QR Code via des étiquettes adhésives au chapitre correspondant (Nb : Ces QR Code renvoient chacun sur des vidéos en LSF avec ou sans sous-titre et en audio), quelles ont été les autres contraintes techniques, humaines, que vous avez rencontrées pour rendre ce roman accessible?

J’avoue que je ne pensais pas que les bénéfices du QR-Code allaient pouvoir se retrouver sur l’édition en braille et que le lecteur allait pouvoir avoir accès à l’audio. Un grand bravo et un grand merci au CTEB.

Des contraintes, il y en a eu, il y en a toujours ! Surtout quand le projet est innovant. Tout est à créer, à penser, à construire, tout est nouveau ! Il a fallu réussir le mariage entre Édition « traditionnelle » et « numérique ». Les contraintes ont été multipliées par le nombre d’édition. J’avoue ne pas réussir à vous les préciser, j’ai comme envie de ne garder que le positif, que le résultat ! Toutes actions impliquent des problèmes à résoudre. Ce qu’il faut garder et se rappeler n’est que le résultat final. J’ai cette fierté d’avoir mener ce projet à bien et d’en avoir oublier toutes les contraintes. N’est-ce pas une  bonne chose ?

 

5. À lorigine, vous nous avez confié que « Zébulon prince dAtlantis» était un scénario, doù vous est venue cette envie den faire un roman ?

L’envie d’écrire est liée à ma surdité. Quand j’étais petit, cette surdité avait déjà affecté ma compréhension de la télévision ou du cinéma. Du coup, je n’ai jamais compris un film. À l’époque, il y avait très peu de sous-titres, voire pas du tout. Et c’est ainsi que j’inventais mes propres histoires en imaginant les dialogues entre les personnages. Mes proches, famille et amis, étaient friands de mes scénarios, bien que la lecture ne soit pas simple, en effet c’est une forme d’écriture particulière, et malgré cela, les retours étaient toujours le même : C’était super, j’aimerai le relire de nouveau au format « Roman » !

Les années ont passé et, bien que leur avis n’étaient que subjectifs à mes yeux, j’ai toujours gardé dans un coin de ma tête cette idée de reprendre mes scénarios pour en faire des romans. Le désir de les rendre accessibles est arrivé à cette étape précise.

 

6. En lisant le roman, jai eu limpression que Stella en était le personnage principal. Deux passages évoquent des enjeux de sa féminité dune manière inhabituelle pour un roman qui sadresse aux jeunes enfants. Je pense à la violence sexuelle que subit lhéroïne lors de la mutinerie ou elle est embrassée de force et à lexpression de son désir de faire lamour avec Zébulon plus tard dans le roman. Pourquoi ce choix ? Est-ce important daborder ces thèmes à cet âge-là ?

En effet, Stella est bel et bien le personnage principal. C’est un roman jeunesse qui s’adresse aux pré-ados, ados et grand public, de 10 à 110 ans ! Je pense que le rôle des romans dans la prévention des violences sexistes et sexuelles est primordiale. Un roman doit permettre de sensibiliser et faire réfléchir les jeunes lecteurs à l’importance des notions de dignité, d’égalité, de respect mutuel, et leur faire prendre conscience, par exemple, que les propos sexistes instaurent un rapport de force qui peut conduire à d’autres formes plus graves de violences ou d’autres risques psychosociaux. Les deux exemples que vous précisez ont un impact garanti pour sensibiliser au consentement, agir sur les consciences, mieux identifier ces situations et savoir comment les appréhender.  D’ailleurs la dernière étape de ce roman cross-média, est la création d’un dossier pédagogique où ce thème du consentement en fera partie. L’occasion d’instaurer un débat afin d’aller au-delà du « Quand c’est oui, c’est oui. Quand c’est non, c’est non. »

 

7. Pourquoi avoir choisi de nommer le roman daprès Zébulon et non daprès Stella?

En effet, « Zébulon, prince d’Atlantis » n’est pas une oeuvre dite « éponymes », le titre ne provient pas du nom du personnage principal.  Il y a une forme de simplicité appréciable à donner le nom du personnage principal comme titre à un récit. Cependant je savais le début de l’histoire, le milieu et la fin. L’écriture scénaristique a été en permanence déstructurée et restructurée puisque mes personnages ne cessaient d’évoluer. Un personnage et une histoire, l’un ne va pas sans l’autre ! Dans « Zébulon, prince d’Atlantis » le personnage de Stella se révèle dans ses actions. C’est dans ses décisions, ses réactions, que le lecteur pense qu’elle est le personnage principal. Il faut savoir qu’il y aura une suite si cette aventure me le permet. Dans « Zébulon, roi d’Atlantis », le personnage principal sera davantage le fils de Stella et Zébulon. Chaque personnage principal est étroitement lié à Zébulon et va ainsi modifier son statut d’où le titre de la saga !

 

8. Un petit mot pour nous faire patienter jusquau prochain tome de Zébulon ? Des envies à concrétiser en termes daccessibilité ?

En attendant « Zébulon, roi d’Atlantis », je vous souhaite un excellent voyage dans le monde abyssal de la communauté d’Atlantis et surtout que chacun puisse prendre plaisir à lire. Un jour l’auteur Arthur Dreyfus m’a dit : « L’écriture et la lecture peuvent encore permettre de créer quelque chose entre les hommes » alors si la vie nous le permet, on se retrouvera très vite pour de nouvelles aventures ! Prenez soin de vous et gardons tous en tête que la différence sera toujours la plus grande force de l’humanité !

Céline Rkalovic.

 

 

En savoir plus / ressources :

  • Le livre en braille ici :

https://www.cteb.fr/librairie/nouveautes/vivre-avec-moins-pour-vivre-heureux/

  • Article sur le livre et ses adaptations, vidéo de Julien Laigre interviewant le CTEB :

https://www.cteb.fr/zebulon-roman-accessible-aux-handicaps/

  • Site officiel du livre : 

https://www.editformat.fr/

 

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